Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/128

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Il estime que Kant n’a pas réussi dans son entreprise, qui était d’établir l’impératif catégorique. Pour que l’impératif moral lui catégorique, pour que le devoir fût « absolu », il faudrait entre autres choses, d’après M. Fouillée, donner à ce devoir un objet, une matière, et prouver la réalité de cet objet[1]. Entendons bien M. Fouillée : il souhaiterait que l’on démontrât la « réalité » de l’objet du devoir ; et ce souhait, s’il ne nous rejette pas dans cette morale métaphysique dont j’ai parlé plus haut, ne peut avoir de sens que par la subordination du devoir à la sanction. Mais à la vérité, si l’on veut critiquer liant, il ne faut pas représenter qu’il n’a pas réussi à fonder l’ « impératif catégorique », il faut représenter qu’il a eu tort de chercher à établir un tel impératif. Adopter la première méthode, c’est se condamner en quelque sorte à une contradiction perpétuelle : car d’une part on rejette l’impératif catégorique, le devoir absolu ; et en même temps on paraît regretter ce devoir absolu, on semble dire que le devoir doit avoir ce caractère ou ne pas être[2].

Veut-on d’autres exemples encore ? Renouvier déclare inexpugnable logiquement l’égoïste insurgé contre l’ordre de la raison ; il se croit réduit, devant une telle attitude, à postuler l’harmonie de cet ordre de la raison et de celui des phénomènes[3]. M. Pillon demande ce que peut signifier l’idée d’obligation, si elle n’a pas d’objet réel ; pour lui, si une loi naturelle n’assure pas

  1. Voir IV, ii, 4.
  2. En fin de compte, M. Fouillée s’arrête à présenter le devoir comme un idéal. Mais cette théorie éclectique, qui par certains côtés est « natualiste », par d’autres métaphysique, par d’autres encore rationnelle, au sens que j’ai donné à ce mot, n’est pas débarrassée de tout élément kantien.
  3. La science de la morale, 28 (t. I ; voir pp. 174-177).