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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/129

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l’accord final de la vertu et du bonheur, si la nature donne à la conscience un démenti aussi cruel, « il reste vrai sans doute que l’homme possède en lui un principe d’action différent de l’attrait et de l’intérêt, et qui se présente à sa raison sous la forme impérative » ; mais alors « ce principe d’action est une donnée purement subjective de la conscience, une apparence, une illusion psychologique »[1].

Renouvier, M. Pillon se rattachent plus ou moins étroitement à Kant. Il est plus curieux de voir des philosophes qui appartiennent à des écoles toutes différentes subir, en quelque sorte malgré eux, l’influence de la conception ordinaire du devoir. Guyau, critiquant Stuart Mill, reproche à celui-ci de ne pas pouvoir « commander » à l’homme le sacrifice de lui-même[2]. Sidgwick, après avoir développé une morale de l’intérêt général, et constaté que cet intérêt général ne s’accorde pas exactement avec les intérêts particuliers, se croit forcé de recourir à une sanction religieuse ; il écrit que sans quelque supposition de ce genre la science morale ne peut être construite[3].

La vieille conception de l’obligation paraît avoir hanté ceux-là mêmes qui se sont le mieux préservés de lui rien concéder. Et il n’est pas téméraire de croire que c’est cette obsession qui a conduit un certain nombre de philosophes, ennemis du « moralisme », à ne plus faire aucune place dans leurs systèmes à l’idée du de

  1. La morale indépendante et le principe de dignité (L’année philosophique, année 1867 ; v. pp. 337-338).
  2. La morale anglaise contemporaine, 1re partie, 6, § 4 (p. 109).
  3. The methods of ethics, Londres, Macmillan, 3e éd., 1884, Conclusion, § 5.