Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/133

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

proposition théorique — doit se trouver, littéralement, dans ce sentiment lui-même.

Retomberons-nous donc dans la conception à laquelle je veux échapper ? Serons-nous réduits à ne voir de justification pour un sentiment que l’efficacité même qu’il manifeste, que son irrésistibilité ? Et par là serons-nous empêchés de trouver une justification réelle des sentiments, de résoudre le problème moral ? La difficulté paraît insurmontable ; elle n’est pas réellement telle.

Un sentiment est une force qui tend à nous faire poursuivre de certains objets, plus généralement, à nous faire accomplir de certaines actions. Ce sentiment — on pourrait employer encore les mots de tendance ou d’inclination — s’accompagne de la connaissance de sa fin : c’est en cela qu’il se distingue de certaines autres forces psychiques qui sont tout à fait inconscientes. Dès lors, on peut l’envisager de deux points de vue : on peut l’envisager en tant qu’il nous pousse, en quelque sorte, vers cette fin où il tend, et on peut aussi s’attacher à la pensée de l’objet de telle manière que le sentiment devienne l’attrait exercé par cet objet sur notre moi conscient. Pour mieux parler, il convient de distinguer le sentiment, tel qu’il est à l’état primitif, et ce que ce sentiment devient quand notre attention — notre moi étant en pleine possession de lui-même — se fixe sur l’objet. Je désire un bien : ce désir, encore qu’il comporte la connaissance du bien en question, n’est tout d’abord qu’une impulsion plus ou moins violente. Que je vienne maintenant à me demander si ce désir est raisonnable, si l’objet vers lequel il me pousse mérite que je le recherche, alors je consi-