Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/134

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dérerai cet objet face à face, en faisant abstraction de l’impulsion que je subis, et l’objet sera bon, et la poursuite sera raisonnable si mon moi conscient y donne son adhésion.

La vérité psychologique sur laquelle je fonde la possibilité d’une solution du problème moral a été entre vue plus d’une fois. Mais on ne l’a pas toujours bien énoncée, et on a manqué à en tirer les conséquences qui s’en déduisent. Plus d’une fois il a été parlé de l’influence dissolvante de l’analyse sur les sentiments. Cette influence est réelle, et c’est bien d’analyse qu’il convient de parler, quand il s’agit de ces sentiments complexes, ou si l’on veut dérivés, qui impliquent la croyance à quelque proposition théorique : que l’on vienne à perdre la croyance sur laquelle de tels sentiments reposent, à se convaincre de la fausseté des raisonnements qui y sont impliqués, et les sentiments seront condamnés à périr, comme des arbres dont on aurait coupé les racines. Mais il ne faut pas parler seulement de l’influence de l’analyse, il faut encore, d’une manière plus générale, parler de l’influence de la réflexion : et c’est ce qu’on n’a pas nettement discerné. Réfléchissons sur l’objet d’un sentiment ; efforçons-nous d’oublier la force plus ou moins grande qui nous porte vers lui, de ne pas céder à l’entraînement de cette force : procédant ainsi, nous attribuerons à l’objet en question une certaine valeur, qui ne sera pas proportionnelle à l’influence que tantôt le sentiment exerçait sur nous. En étendant l’emploi de cette méthode, nous arriverons à substituer à l’échelle primitive des valeurs une échelle nouvelle, très différente de celle-là.