Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/138

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souvent, soit d’une manière expresse, soit d’une manière implicite, par des propositions autres et inexactes.

M. Belot, par exemple, voit dans l’utile le qualificatif général de toutes les fins auxquelles nous tendons, un concept par conséquent sans intérêt aucun pour la philosophie[1]. Cela revient à dire que le plaisir que nous retirons de nos actions se proportionne à l’intensité du désir qui a déterminé celles-ci. Et il suffit de présenter la thèse sous cette forme pour qu’on aperçoive aussitôt combien elle est insoutenable.

Moins éloignée que la précédente de la vérité est à coup sûr cette thèse que tant de philosophes ont adoptée — en particulier les fondateurs de l’utilitarisme moderne — : à savoir que l’homme fait toujours ce qui lui semble devoir lui procurer le plus de plaisir. Cette thèse constitue l’ « hédonisme psychologique », qu’il faudrait distinguer, d’après Sidgwick, de l’ « hédonisme éthique »[2]. A vrai dire, l’hédonisme « éthique », si on le justifie comme j’ai fait tantôt, est lui aussi, considéré dans son fondement, un hédonisme « psychologique » : c’est sur la constatation que le moi réfléchi ne peut pas refuser de vouloir le plaisir que j’ai assis le principe hédonistique pratique. Mais cet hédonisme psychologique est différent de celui dont Sidgwick parlait : autre chose est vouloir nécessairement le plaisir quand on se préoccupe d’agir raisonnablement, autre chose est le vouloir, le chercher toujours.

  1. En quête d’une morale positive, Revue de métaphysique, 1905, pp. 52-53.
  2. Voir les Lectures on the ethics of Green, Londres, Macmillan, 1902, I, 7, pp. 102-105.