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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/140

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désir — c’est là d’ailleurs une objection qui pouvait être adressée déjà à la conception précédente — il est des actions dont les antécédents psychologiques sont inconscients. Dans le désir lui-même des éléments se mêlent qui n’ont rien d’affectif. Il y a dans le désir la pensée d’un état affectif futur, et en outre un état affectif présent qui est la conséquence de cette pensée : mais il y a aussi des éléments tout autres, la force impulsive, par exemple, de l’habitude, ou de l’instinct, lequel n’est sans doute qu’une habitude héréditaire. Quand une action est devenue chez nous habituelle, une disposition existe à la répéter, indépendamment du plaisir que cette action doit nous donner, comme aussi indépendamment de la souffrance inhérente à ce besoin que l’habitude a créé. Et il ne servirait de rien de dire que c’est à notre insu que la pensée du plaisir à atteindre détermine notre activité. La thèse ainsi présentée serait une affirmation purement gratuite ; et ce serait toujours une affirmation fausse : il suffit pour la renverser de cette constatation, qu’il est aisé de faire, que la proportionnalité n’existe nullement entre l’intensité du désir et le plaisir que nous pouvons attendre de la satisfaction de ce désir[1]. Ce qui est vrai, c’est que la raison cherchera à établir la proportionnalité du désir et du plaisir. La tendance, le désir nous portent-ils vers une fin avec trop de violence ? la raison pourra les affaiblir et même les détruire directement s’ils impliquent une croyance fausse ; et s’il n’en est pas ainsi, elles les affaiblira indirectement, en opposant son influence à la leur. La tendance, le désir sont-ils insuffisamment éner-

  1. Cf. Sidgwick, Methods of ethics, II, 2, § 2, p. 122.