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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/144

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on sent qu’il est égal de se procurer tel plaisir et de fuir telle douleur[1].

Non seulement les plaisirs et les peines sont susceptibles de recevoir une commune mesure, mais ils sont partout présents dans notre vie. Il n’est pas d’état psychologique où l’élément affectif ne se mêle, pas d’action qui ne soit agréable, ou pénible, ou les deux à la fois. Et par là il apparaît que le principe hédonistique permet l’unification de la conduite. Proposons-nous comme règle de faire dans notre vie la somme des plaisirs le plus possible supérieure à celle des peines, ou la somme des peines supérieure à celle des plaisirs aussi peu que possible : il n’est pas une action que ce principe ne nous mette à même d’apprécier, pas une alternative qu’il ne nous mette à même de résoudre.

Bien entendu, l’application du principe hédonistique comporte l’élimination de la considération du temps. Bentham voulait que dans le calcul des plaisirs on tînt compte de l’éloignement plus ou moins grand de ces plaisirs. Il faut s’entendre à ce sujet. L’éloignement d’un plaisir a de l’importance pour autant qu’il détruit la certitude ou qu’il diminue la probabilité du plaisir en question : les prévisions à longue échéance,

  1. La méthode par laquelle j’indique que les plaisirs peuvent être mesurés semblera peut-être constituer, quand on la joint comme je fais au principe hédonistique, une sorte de cercle vicieux : en effet, je pose d’abord que la raison nous invite à rechercher les plaisirs les plus intenses, puis ensuite je mesure l’intensité des plaisirs à l’adhésion plus ou moins complète qu’ils déterminent chez le moi raisonnable. En réalité, le cercle n’existe pas : tout se ramène ici à cette constatation de fait que les fins de notre activité exercent sur le moi raisonnable un attrait plus ou moins fort, et que la force de cette attraction correspond précisément à ce qu’on appelle l’intensité du plaisir.