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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/145

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toutes choses égales d’ailleurs, sont moins sûres que les prévisions relatives à un avenir prochain ; et puis encore nous devons songer que nous sommes périssables, et que notre fin peut survenir à tout instant. Mais pour le reste, l’éloignement des plaisirs ne doit pas entrer en compte dans l’arithmétique hédonistique. Sans doute, on voit en fait les hommes préférer les biens présents aux biens futurs, et établir des échelles de dépréciation — qui sont d’ailleurs très diverses — pour ces biens futurs selon leur éloignement plus ou moins grand : c’est là une des causes qui donnent naissance au phénomène économique de l’intérêt[1]. Mais la dépréciation des biens futurs, dans la mesure du moins où elle n’est pas justifiée par l’incertitude de ces biens et par la pensée de la mort toujours imminente, est quelque chose de déraisonnable. Guidons-nous sur la raison : nous n’établirons aucune différence entre un plaisir qui s’offre à nous tout de suite et un plaisir que nous ne pourrons goûter que dans un certain temps[2].

La possibilité du calcul hédonistique en général

  1. Voir l’ouvrage de Böhm-Bawerk, Capital und Capilalzins, II, Positive Theorie des Capitales, 2° éd., Innsbruck, Wagner, 1902, et mon propre livre L’intérêt du capital, Paris, Giard et Brière, 1904.
  2. D’après M. Simmel (voir Einleitung, 4, 1. 1, pp. 357 sqq.), il y a quelque chose de fondé dans cette conception populaire qui veut que, pour estimer le bonheur d’un homme, il faille regarder particulièrement à la fin de sa vie. Mais la morale ne s’occupe que du futur, et comment serait-il raisonnable de faire des différences entre les divers moments de ce futur ? Ce qui est vrai, c’est qu’il faut prendre en considération tous les éléments du calcul hédonistique : il vaut mieux goûter un plaisir plus tard que plus tôt, si, goûté plus tôt, il doit laisser après lui des regrets ; comme aussi il vaut mieux le goûter plus tôt si ce plaisir — ceci peut arriver également — doit laisser après lui des souvenirs purement agréables.