Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/146

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n’a pas manqué d’être contestée. Green a soutenu qu’il ne pouvait pas être parlé d’une somme de plaisirs. Les plaisirs, dit-il, sont tels par ce qu’ils ont de particulier ; le plaisir en général n’est rien[1]. Mais si le plaisir en général n’était rien, comment cette notion aurait-elle été formée ? Les comparaisons qu’à chaque instant nous instituons entre des plaisirs différents donnent à Green le démenti le plus direct : comme l’a dit Kant, « les représentations des objets peuvent être de nature aussi diverse qu’on le voudra, le sentiment du plaisir est d’une seule et même espèce »[2].

Le même Green ne veut pas non plus qu’on parle d’une somme la plus grande possible de plaisirs, disant qu’une telle idée n’a pas plus de sens que celle de la plus grande quantité possible d’espace ou de temps[3]. Il oublie que comme l’espace et le temps, toutes les quantités peuvent être portées par la pensée à l’infini, sans qu’il soit interdit par là de concevoir pour ces quantités un maximum, quand on les considère par rapport à une quantité d’une autre espèce et finie : on peut parler d’une distance maxima franchissable dans un temps donné ; on parlera aussi bien de la somme maxima de plaisirs que nous pouvons obtenir dans le cours de notre vie.

Plus sérieuse, plus spécieuse à coup sûr que ces chicanes de Green est l’argumentation que M. Bergson a développée, non pas particulièrement contre l’idée d’une mesure des plaisirs, mais d’une façon générale

  1. Introduction to Hume’s « treatise » , II, 7 (Works, Londres, Longmans et Green, 1885, t. I).
  2. Raison pratique, 1re partie, I, 1, scolie 1 du théorème 2 (pp. 34-35).
  3. Passage cité.