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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/147

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contre la notion de l’intensité des états psychologiques. Cette argumentation, s’il fallait l’accepter, ruinerait complètement l’hédonisme ; c’est pourquoi il est nécessaire de l’examiner brièvement.

M. Bergson n’admet pas que l’on quantifie les états de conscience. Et il invoque, pour combattre une opinion qui s’appuie sur le sens commun, et que tous les philosophes ont reçue, la raison suivante : à savoir qu’il n’y a de mesure possible que là où il peut y avoir superposition de la chose à mesurer avec un étalon, que la notion de quantité est une notion purement spatiale, et que c’est recevoir une notion contradictoire que d’imaginer une quantité inétendue, comme devraient être les états de conscience[1].

Cette critique, qui se résume, comme on voit, dans une objection, se complète d’une explication que M. Bergson propose de l’illusion par laquelle il nous semble que les états psychologiques sont plus ou moins intenses. À cette illusion, M. Bergson voit des sources multiples. Tantôt le sentiment de l’intensité de l’état psychologique est produit par la pensée que la cause extérieure de cet état est — cette fois-ci au sens vrai du mot — plus ou moins grande. Tantôt un état psychologique paraît plus intense qu’un autre parce qu’il est plus complexe, qu’il pénètre et qu’il teinte davantage toute la conscience. Ces causes diverses, d’ailleurs, se combinent toujours avec la tendance générale que les nécessités de la vie pratique, de la vie sociale ont créée en nous, et qui nous porte à tout penser dans l’espace.

  1. Essai sur les données immédiates de la conscience, I, pp. 1-3, et passim.