Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/153

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jamais être question de mettre un bien de première nécessité — j’entends un bien qu’il nous faut acquérir sous peine de mourir — en balance avec un bien de l’autre espèce dont on devrait jouir plus tard : l’hypothèse est contradictoire[1]. Mais cette hypothèse mise à part, rien ne s’oppose à ce que l’on donne une commune mesure aux deux catégories de biens distinguées ci-dessus.


Il n’y a pas d’objection fondamentale contre le calcul hédonistique ; mais la pratique de ce calcul se heurte à des difficultés graves et nombreuses.

La première de ces difficultés tient à ce que les plaisirs ne sont pas, tant s’en faut, invariables, à ce que la même action, la même pensée ne nous procurent pas toujours la même quantité de plaisir. L’individu ne peut pas une fois pour toutes accoler à chaque acte un nombre qui exprimerait le plaisir ou la peine dont cet acte est accompagné. Le plaisir et la peine sont liés à des conditions physiologiques, souvent, qui sont éminemment instables, qui changent entre la jeunesse et la vieillesse, la santé et la maladie, entre une heure du jour et une autre. Ils sont liés, d’autre part, à des conditions psychologiques qui sont plus variables encore que les précédentes. Dans les conditions physiologiques du plaisir et de la peine il y a — à prendre les choses en gros, et en négligeant les états anormaux — un rythme qui se développe à travers toute la vie, ou encore une périodicité annuelle ou quo-

  1. On ne peut pas non plus comparer deux biens de première nécessité dont la jouissance ne devrait pas être simultanée.
    Sur la question touchée ci-dessus, j’aurai à revenir au chapitre suivant.