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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/154

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tidienne ; dans le cours de nos pensées, au contraire — surtout si l’on considère des individus d’une vie psychique un peu riche —, dans les tonalités successives de notre esprit il y a une diversité infinie, une perpétuelle instabilité : et ces pensées, ces tonalités de l’esprit qui se succèdent sans cesse font que nous sentons tantôt plus, tantôt moins les plaisirs, les peines consécutives de telle ou telle action, que ce qui nous était agréable à un moment donné nous devient pénible à un autre moment, et inversement. C’est là une vérité qui fut connue de tout temps, mais que M. Bergson a mise en pleine lumière et à laquelle il a donné une expression nouvelle quand, combattant l’ « atomisme psychologique », il a parlé de l’interpénétration des états psychologiques, et qu’il a défini par cette interpénétration la conscience, la réalité spirituelle.

Insisterai-je, d’autre part, sur l’imprécision qui ne peut manquer d’accompagner la mesure des états psychologiques ? Il en a été déjà dit quelques mots plus haut. J’ai noté qu’une mesure qui ne s’opérait pas par la superposition dans l’espace était condamnée à demeurer bien imparfaite. Pour constater qu’un plaisir est plus grand qu’un deuxième plaisir, il faut que je me mette en présence de l’un et de l’autre à la fois : réussirai-je à partager également mon attention entre les deux ? Bien mieux, je ne puis décider entre eux qu’à la condition de les supposer incompatibles — d’une certaine manière —. En conséquence, je serai obligé de recourir à mon imagination pour les comparer ensemble : mais l’imagination me les présentera-t-elle dans toute leur vivacité réelle ? cela est vrai peut-être pour les plaisirs d’origine intellectuelle : les