Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/156

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joie, du bonheur, de la béatitude. Mais il est encore plus conforme à l’usage de réunir ces différents états sous la dénomination générique de plaisir ; et c’est ce que fait l’hédonisme.

M. Höffding, avec Nietzsche, voit dans la « volonté de puissance » le ressort primordial de notre activité, et il montre, par de fines analyses, que ce ressort est aujourd’hui encore aussi important que le sentiment qui nous porte à rechercher la jouissance[1]. Mais la satisfaction donnée à la « volonté de puissance » est une source de plaisirs très abondante, par cela même que la « volonté de puissance » est une des tendances les plus impérieuses de notre nature. Et ainsi l’hédonisme pourra très bien, il devra reconnaître à cette tendance le droit de se satisfaire.

Voici d’autre part M. Cresson qui, croyant constater que le Philémon de la fable a eu plus de bonheur que Néron, se fonde là-dessus pour assurer que le bonheur n’est pas dans la quantité des plaisirs[2]. Mais cette proposition n’a de sens qu’à la condition qu’on réserve arbitrairement le nom de plaisir pour une certaine catégorie de plaisirs. Le bonheur ne peut se mesurer que par l’excès des plaisirs sur les peines ; et si Philémon a été vraiment plus heureux dans sa vie que Néron, c’est nécessairement qu’il a goûté plus de plaisirs. M. Cresson estime-t-il donc à rien toute la joie que Philémon a retirée de la tendresse de Baucis pour lui, de son amour pour Baucis, du sentiment

  1. Esquisse d’une psychologie fondée sur l’expérience, trad. fr., 2e éd., Paris, Alcan, 1903, VI c, §§ 1-2.
  2. La monde de la raison théorique, Paris, Alcan, 1903, 2, § 8, pp. 161 sqq.