Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/157

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de la tranquillité de son existence et de la pureté de sa conscience ?

L’erreur de M. Cresson a sa source tout d’abord dans certaines façons courantes de parler : on vante la modération des désirs, on dit de nos désirs qu’ils s’enflent, qu’ils se réduisent, proportionnant ainsi les désirs non pas à l’intensité qu’ils ont en tant qu’états psychologiques, mais à l’éloignement, à la difficulté plus ou moins grande du but où ils tendent ; par là on est entraîné à déclarer plus grands des plaisirs qui ne sont que plus rares et d’un accès plus malaisé.

L’erreur de M. Cresson s’explique aussi et s’explique principalement par une vue théorique à laquelle il est attaché, et qu’il importe d’examiner. M. Cresson pense — et c’est là d’ailleurs une idée très répandue — que le vrai bonheur est dans le contentement — c’est-à-dire dans la satisfaction de tous les besoins de l’être —, non dans la grande quantité des plaisirs que l’on goûte. Pour M. Cresson, deux hommes contents de leur sort sont également heureux, quelle que soit la quantité de leurs plaisirs ; un homme content est plus heureux qu’un homme qui ne l’est pas, quand même l’excès des plaisirs de celui-ci sur ses peines ferait une quantité supérieure aux plaisirs de l’autre. Et M. Cresson justifie sa thèse en disant que le bonheur est une chose toute subjective, qu’on est heureux juste autant qu’on croit l’être, et qu’on est heureux autant que possible quand on ne manque de rien, quand on ne voit rien à désirer. Si, ne vivant pas dans le contentement, nous préférons néanmoins notre sort à celui du pourceau, lequel goûte le parfait contentement, c’est là le résultat d’une illusion ; nous nous mettons, pour