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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/163

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cas se présenteront où, en raison du peu de temps que l’individu a encore à vivre, ou pour tout autre motif, la privation qu’on s’imposerait et la peine réelle qu’on s’infligerait en entreprenant de lutter contre ses tendances excéderaient le surcroît de bonheur à obtenir. La remarque que je viens de faire n’en est pas moins vraie pour la plupart des cas, et elle a une importance capitale, trop évidente d’ailleurs pour que ce soit la peine d’y insister.


J’arrive à une dernière objection que l’on a adressée à l’hédonisme, et qui porte moins à vrai dire contre la vérité philosophique de cette doctrine qu’elle ne vise à montrer une difficulté dans l’application du principe hédonistique. On a dit bien souvent que poursuivre le bonheur, c’était se condamner à ne pas l’atteindre, que le bonheur comme la fortune est le lot de ceux qui ne courent pas après lui.

À cette objection on peut faire plusieurs réponses. Le bonheur fuit ceux qui le cherchent : c’est peut-être simplement qu’ils le cherchent là où il n’est pas, ou qu’ils le cherchent là où ils ne peuvent pas l’atteindre ; combien d’hommes usent leurs forces à vouloir obtenir des biens illusoires, ou inaccessibles, et négligent les biens réels qu’ils ont à leur portée !

D’autre part ce bonheur que nous poursuivons n’est-il pas gâté souvent, quand enfin nous y parvenons, par l’influence perçue ou secrète de l’idée religieuse qui proscrit la recherche du bonheur, par l’influence, encore, de la morale traditionnelle, laquelle regarde comme basse, sinon comme mauvaise, toute activité dirigée vers la satisfaction des besoins personnels ?