Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/170

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tendent à identifier notre intérêt avec des intérêts étrangers. Mais ces causes n’agissent pas toujours. De plus, quand elles agissent, elles ne nous poussent pas toujours à servir exactement l’intérêt général. La sympathie nous attache fortement à nos voisins, ou plutôt à certains de nos voisins ; nous ne l’éprouvons qu’à un degré très faible pour les autres personnes. Le souci de l’estime publique, s’il agit sur nous à tout instant, et même alors que nous savons que nos actions demeureront cachées, agit moins cependant dans ce dernier cas ; de plus, il nous porte à suivre la morale courante, non pas à appliquer rigoureusement le principe utilitaire. Et sans doute l’importance de ces observations est diminuée par le fait qu’on ne saurait appliquer le principe de l’utilité générale sans prendre en considération la facilité plus ou moins grande que nous avons à suivre les indications du calcul utilitaire : tout bien compté, il y a lieu pour nous de céder dans une certaine mesure au mouvement naturel de la sympathie, d’aimer nos enfants plus que les enfants des autres, et aussi de ne pas nous écarter trop des idées qui sont reçues autour de nous et dont nous subissons nous-mêmes, quoi que nous en ayons, l’influence. Mais les observations qu’on a vues ci-dessus n’en conservent pas moins une certaine portée, qui suffit pour renverser la thèse de la coïncidence des intérêts particuliers avec l’intérêt général.


Les intérêts particuliers ne coïncident pas avec l’intérêt général : ne va-t-il pas être impossible, dès lors, de passer du principe de l’utilité particulière au principe de l’utilité générale ?