Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/174

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dit, il n’y a rien là qui doive faire regarder l’égoïsme comme plus facile à justifier que l’altruisme.

Insistons un peu sur ce point, qui est d’une importance capitale. En avançant que l’égoïsme n’est pas plus facile à justifier que l’altruisme, je n’ai pas voulu nier le caractère rationnel de l’égoïsme. Je tiens, bien au contraire, à proclamer ce caractère. Cet égoïsme en effet que l’on tient pour plus naturel et pour plus rationnel que l’altruisme, ce n’est pas simplement la tendance qui peut exister en nous à préférer notre bien au bien d’autrui ; c’est la tendance à chercher notre plus grand bien. Or quand nous résistons à nos impulsions afin d’avoir, en définitive, moins de peine ou plus de plaisir, cette résistance, encore qu’elle implique une comparaison, l’exercice, par conséquent, de nos facultés intellectuelles, provient à l’ordinaire d’une tendance automatique ; elle n’est pas, prise en elle-même, une manifestation de notre liberté. Mais alors même qu’il en est ainsi, il est clair que la tendance dont je parle, et qui est une habitude acquise par l’individu ou héritée, a son origine dans la liberté. C’est la raison qui nous incite à choisir le meilleur parce que tel ; si elle n’agissait pas dans l’homme, le jeu des autres forces psychologiques pourrait en bien des circonstances nous faire chercher notre plus grand bien, mais plus rien ne s’opposerait à ce que nos inclinations, comme il arrive, nous portent vers les biens les moins désirables. M. Höffding a bien vu ce point : il a mon-


    réfléchissons davantage. Il est vrai que d’autre part, étant plus imaginatifs et plus émotifs, nous sommes plus accessibles à la pitié. Il est vrai aussi que le cercle où s’étendent nos sentiments altruistes va s’élargissant. Enfin, il faut prendre en considération les progrès de la rationalité.