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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/180

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core une fois les deux démarches sont essentiellement identiques ; elles sont toutes les deux des démarches de la raison, elles participent également à l’autorité que celle-ci possède. Les mêmes motifs qui tout d’abord nous avaient fait adopter l’hédonisme égoïste doivent nous faire adopter la doctrine de l’utilité générale.


Je ne m’attarderai pas à rechercher pourquoi l’argumentation qui vient d’être exposée n’a pas trouvé plus de philosophes pour la soutenir, pourquoi tant d’auteurs ont cru qu’il existe un abîme infranchissable entre le principe de l’utilité individuelle et le principe de l’utilité générale. Je viens d’indiquer l’une des causes qui donnent naissance à cette opinion. Et sans doute aussi il y a lieu d’incriminer la vieille conception de l’obligation qui, admise par un grand nombre de philosophes, hante et obsède encore la plupart de ceux qui la rejettent. L’obligation, comme on a vu, tire toute sa vertu, toute sa réalité de l’idée de la sanction, qui y est en quelque sorte incluse. Or la morale altruiste ne peut recourir qu’à la très problématique sanction de l’au delà, tandis que la morale égoïste dispose en outre d’une deuxième sanction, qui est certaine, la sanction « naturelle ». C’est ce qui fait que la morale altruiste paraît ne pas être obligatoire par elle-même, qu’on la tient pour moins vraie, d’une certaine façon, que la morale égoïste. En d’autres termes, on attend de la morale plus que ce qu’elle peut donner ; on attend d’elle, non pas seulement quelle nous indique un principe que la raison soit forcée d’approuver, mais qu’elle nous contraigne — de je ne sais quelle manière — à appliquer ce principe ; en conséquence, les philosophes s’accom-