Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/181

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moderont mieux du principe de l’utilité individuelle que du principe de l’utilité générale.

Et toutefois — cette constatation viendra à l’appui de la démonstration directe que j’ai fournie tantôt — il est aisé de remarquer que ceux-là mêmes qui n’ont voulu voir, comme morale rationnelle, que la morale égoïste ont implicitement reconnu que la véritable morale rationnelle, c’était la morale altruiste, ou mieux impersonnelle.

Pour M. Gourd, par exemple, la morale ne peut avoir d’autre objet que d’enrichir notre puissance volontaire ; la morale sera donc purement égoïste. Et cependant M. Gourd veut que la notion du sacrifice soit conservée, qu’on fasse une place au sacrifice dans la conduite de la vie ; il se fonde là-dessus pour conclure qu’à côté de la morale, la religion a un rôle à remplir dans la société. C’est avouer que la morale ne peut pas être toute égoïste : car cette religion dont M. Gourd nous entretient — et dont on ne voit pas, à vrai dire, comment elle se concilie avec ce qu’il appelle la morale —, cette religion, c’est proprement une morale encore, la morale ayant pour tâche la recherche, toute la recherche des principes pratiques.

Voici maintenant les fondateurs de l’utilitarisme moderne. Helvétius, qui ne croit pas pouvoir recommander aux hommes autre chose que la poursuite de leur intérêt, définit d’autre part la vertu « le désir du bonheur des hommes »[1]. Bentham en bien des endroits assigne comme fin à notre activité le bien général. Stuart Mill, tout en donnant comme base à sa doctrine

  1. De l’esprit, II, 13.