Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/182

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l’utilité individuelle, définit la morale « les règles de conduite et les préceptes dont l’observance pourra assurer autant que possible à toute l’humanité une existence [heureuse] ; et non seulement à l’humanité, mais encore, autant que le permet la nature des choses, à toute la création sentante »[1] ; il proclame qu’entre son propre bonheur et celui des autres, l’individu doit être « aussi strictement impartial qu’un spectateur désintéressé et bienveillant »[2].

Pourquoi tous ces auteurs passent-ils ainsi de l’hédonisme égoïste à l’utilitarisme parfait ? Ils savent, ils avouent que les intérêts particuliers ne coïncident pas exactement avec l’intérêt général. C’est donc peut-être qu’ils sont dominés par la morale traditionnelle, laquelle comme on sait, préconise l’altruisme ? Mais on peut croire qu’ils sont poussés aussi à sortir de l’hédonisme égoïste par les exigences, plus ou moins obscurément senties, de la raison. Qu’on lise le passage suivant de Stuart Mill : « on ne peut [indiquer pourquoi] le bonheur général est désirable, on dit seulement que chaque personne désire son propre bonheur. C’est un fait, et nous avons ainsi la seule preuve possible que le bonheur est un bien, que le bonheur de chacun est un bien pour chacun, et que le bonheur général est un bien pour tous »[3]. Stuart Mill a manqué à voir et à formuler le lien dialectique qui rattache le principe de l’intérêt général à celui de l’intérêt particulier : mais la façon dont il met à la suite l’un de l’autre ces deux principes pourtant différents indique qu’il faut nécessai-

  1. Utilitarisme, 2, pp. 22-23.
  2. P. 31 ; cf. pp. 21, 29 et passim.
  3. 4, p.66.