Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/184

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

II

Si l’on adopte le principe de l’utilité générale, la valeur morale des actions dépendra d’un calcul analogue au calcul de l’hédonisme égoïste ; il faudra mettre en balance ce que chaque action causera de plaisir et ce qu’elle causera de peine aux uns et aux autres. De là la nécessité de trouver une commune mesure qui serve pour les plaisirs et pour les peines des différents individus. Cette commune mesure ne sera pas toujours indispensable. Imaginons que, de deux actions entre lesquelles je dois choisir, l’une ne doive causer que du plaisir et aux autres et à moi-même, et la deuxième ne doive causer que de la peine : dans un cas pareil la décision s’imposera de suite. Mais supposons maintenant que les deux actions que je conçois doivent être uniquement une source de plaisirs ou une source de peines, et pour moi et pour les autres : alors la comparaison devra être instituée qui tantôt était inutile. De même dans le cas où entreraient en ligne de compte à la fois des plaisirs et des peines, et où la balance ne se solderait pas pour tous les intéressés par un excédent soit de plaisir, soit de peine : ce dernier cas d’ailleurs sera sans doute le plus fréquent.

Ces vérités ont été plus d’une fois méconnues. Les philosophes utilitaires parlent parfois de lots de bonheur, et ils semblent croire que ces lots ont une valeur intrinsèque, qu’ils ont une valeur égale, du moins, pour tous les hommes. Cette conception provient de la considération des phénomènes économiques, de la constatation