Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/187

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tions, croyant à la nécessité de résoudre le problème et à l’impossibilité de le résoudre rationnellement, je faisais appel au sens commun. Celui-ci nous assure que la satisfaction des besoins primordiaux d’un individu, de ses « désirs nécessaires », comme eût dit Epicure, est plus importante que celle de ces désirs des autres individus qui ne sont pas nécessaires, et surtout que la satisfaction de ceux de leurs désirs qui ne sont ni naturels ni nécessaires : l’argent qu’un riche dépense pour « se passer un caprice », ou même pour accroître le confort dont il est entouré serait mieux employé s’il était à la disposition de tel malheureux qui souffre de la faim[1]. Le sens commun réclame donc la diminution de l’inégalité qui existe dans notre société ; et en définitive il nous invite à adopter comme formule de la répartition, puisqu’il faut une formule rigoureuse, sur laquelle tout le monde s’accorde, la formule de l’égalité parfaite.

L’argumentation que je viens de résumer[2] indique deux raisons en faveur de la répartition égale des richesses.

L’une de ces raisons, c’est que la répartition égalitaire est, de toutes, celles sur laquelle les hommes sont le plus disposés à s’accorder. Lorsqu’ils ne rapportent pas tout à leurs intérêts particuliers, et qu’ils envisagent les choses du point de vue social, les hommes veulent la justice, autrement dit l’égalité. Et sans doute la notion de justice est une notion vide par elle-même

  1. Hume écrivait déjà : « lorsque nous nous écartons de [l’]égalité, nous privons le pauvre de plus de satisfaction que nous n’en accordons au riche, et souvent c’est aux dépens du pain d’un grand nombre de familles et même de provinces entières qu’un seul homme contente sa vanité frivole » (Recherches sur les principes de la morale, 3, § 2).
  2. Voir L’utilité sociale de la propriété individuelle, §§ 269-278.