Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/190

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par l’imagination Secundus à sa propre place ; alors, goûtant le plaisir considéré de la façon dont le goûterait Secundus, il saura si ce plaisir pour Secundus représente i comme pour lui, ou 2, ou 1/2.

Je ne m’attarderai pas à montrer qu’il suffit d’établir une communication entre les plaisirs de deux individus pour que, par rapport à ces deux individus, le problème qui nous occupe soit résolu. Mettons que pour Primus le plaisir A soit double du plaisir B, et que pour Secundus le plaisir A soit quadruple du plaisir B ; si, comparant le plaisir A tel que le sent Primus avec ce même plaisir tel que le sent Secundus on obtient le rapport 1/3, il est évident que comparant le plaisir B tel que le sent Primus avec ce plaisir tel que le sent Secundus on aura le rapport 2/3.

Mais qu’est-ce au juste que cette substitution que Primus doit opérer de Secundus à lui-même ? Quand je demande cette substitution, je demande que par l’imagination Primus modifie ses dispositions à l’égard du plaisir considéré, qu’il les fasse pareilles à celles de Secundus. Et certes il n’est pas facile de sentir un plaisir à la fois avec sa propre nature et avec celle d’un autre ; même la substitution que ma méthode réclame n’est pas toujours possible. Ainsi je ne puis pas arriver à sentir mes plaisirs comme ceux que leur nature dispose à les sentir plus vivement que moi — s’il en allait autrement, nous aurions un moyen bien simple d’augmenter tout de suite notre bonheur — ; les plaisirs qui pour tel de mes semblables sont moins intenses que pour moi, je ne peux pas les sentir tous comme il fait. Quand il s’agit, toutefois, de ces plaisirs qui sont moins vifs pour les autres que pour moi, je pourrai