Aller au contenu

Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/21

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le rôle de la raison en tant que spéculative est d’unifier la connaissance. Comment la raison spéculative procède à cette unification, ce n’est pas le lieu de l’examiner[1] ; ce qu’il importe de remarquer ici, c’est que cette unification est à peu près toute sa tâche. On pourrait dire sans doute que c’est grâce à la raison spéculative que nous prenons conscience de nous-même, et que le moi se forme véritablement ; et il est de fait que nous ne nous connaissons qu’autant que nous nous opposons une réalité extérieure, qu’autant qu’une certaine unification a été opérée des données primitivement incohérentes de la sensation. Mais cette unification a pour conséquence — et non pour fin, on voudra bien le noter — la connaissance de l’être pensant par lui-même, la formation du moi ; elle n’a pas pour conséquence l’indépendance de ce même moi, laquelle est quelque chose de supérieur et de plus parfait. Et même, pour permettre la formation du moi, point n’est besoin que cette unification soit poussée très loin : le savant a-t-il toujours de son existence individuelle un sentiment plus vif que l’homme dont la culture intellectuelle a été moins développée ? passé un certain point, qui est vite atteint, la raison spéculative travaille exclusivement à parfaire l’unification du savoir. Mais tandis que le rôle de la raison spéculative est ainsi limité, la raison pratique, elle, vise plus loin. En même temps qu’elle travaille à unifier la conduite d’une façon non pas identique, analogue cependant à celle dont la

  1. On verra plus loin que l’unification de la conduite par la raison pratique et l’unification du savoir par la raison spéculative ne s’opèrent pas de même, que c’est à tort que certains philosophes ont identifié celle-là à celle-ci.