Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/218

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sées à l’utilitarisme procèdent, souvent, d’observations relatives à l’utilité : l’ascétisme par exemple, qui nous prescrit de nous refuser tout plaisir, de résister tout au moins aux sollicitations de la chair et de mortifier celle-ci, est sorti de cette constatation qu’il y a des dangers et des inconvénients multiples à suivre docilement ses appétits[1].

On peut prendre la morale kantienne comme exemple de l’influence que l’utilitarisme exerce, quoi qu’ils en aient, sur les philosophes. Nul auteur plus que Kant n’a eu le souci de se tenir éloigné de la doctrine utilitaire : si Kant a constitué une doctrine formaliste, c’est qu’il lui a semblé qu’à introduire une matière dans l’énoncé de la loi morale on se condamnait à verser dans l’utilitarisme. Et cependant l’utilité est partout dans la morale kantienne. Elle est dans les principes, dans la partie générale de cette morale : à preuve le rôle que la sanction joue chez Kant, cette synthèse de la vertu et du bonheur qu’il faut opérer, d’après Kant, pour avoir le souverain bien, l’objet complet de la volonté raisonnable ; à preuve encore cette idée que Kant exprime en divers endroits, à savoir qu’à côté de ce qui est obligatoire il y a un préférable, qui est le plaisir ; idée confuse et même quelque peu contradictoire, car dans la notion du préférable — les stoïciens intransigeants le savaient bien — il y a quelque chose de moral. Et l’utilité, surtout, est dans l’application que Kant fait de ses principes : c’est en recourant à elle — il ne s’en rend d’ailleurs pas compte — que Kant réussit à tirer de sa loi formelle les règles spéciales où il

  1. Introduction aux principes de morale et de législation, 2, § 9.