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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/228

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consistent cet ordre, cette harmonie qu’on nous demande de réaliser, nos philosophes sont contraints de recourir à des déterminations arbitraires, et en tous cas point purement esthétiques. Mais surtout il serait aisé de montrer — c’est là la plus grave des objections qu’appelle une telle doctrine — que l’ordre et l’harmonie sont des biens par rapport à notre sens esthétique, et qu’on n’a nullement établi que nous devions diriger toute notre activité vers la satisfaction de ce besoin particulier de notre nature.

Mais voici une doctrine qui propose à notre activité un objet plus vaste que les objets proposés par les doctrines précédentes : c’est la « morale de la perfection »[1]. Ici il ne s’agit plus de tout ramener à l’augmentation de notre empire sur nous-mêmes, à la satisfaction de notre besoin de savoir, de notre sens esthétique ou de telle autre de nos facultés, mais de développer le plus possible, en nous et chez nos semblables, toutes les facultés de notre nature humaine. Il s’agit, comme dit M. Fouillée[2], d’atteindre « le maximum de puissance pour l’activité, le maximum de conscience et de connaissance universelle pour l’intelligence, le maximum de jouissance pour la sensibilité ».

Cette formule de M. Fouillée appellerait, à la prendre dans le détail, des réserves et des critiques : l’idée du maximum de puissance n’est pas une idée nette, et l’on peut se demander pourquoi dans la sensibilité M. Fouillée ne voit que la jouissance. Tenons-nous en

  1. Le mot de perfection est très vague. La morale de la perfection, pour les auteurs qui emploient cette expression, est souvent, non pas la morale que je vais définir, mais une morale esthétique.
  2. Critique des systèmes de morale contemporains, I, 2, p. 26.