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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/234

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II

Après avoir examiné les doctrines qui s’opposent tout à fait à l’utilitarisme, il faut arriver à ces conceptions du bien qui, se présentant comme utilitaires, s’écartent cependant de l’utilitarisme pur, et à celles où il est permis de voir des déviations de l’utilitarisme.

Je commencerai par Stuart Mill et par sa théorie sur la qualité des plaisirs. Mill, utilitaire déclaré, se sépare des utilitaires ses prédécesseurs en ce que, tandis que ceux-là voulaient qu’on préférât les plaisirs les plus intenses, Mill, lui, demande qu’il soit tenu compte aussi de la qualité des plaisirs. Non seulement il y a des plaisirs plus intenses et des plaisirs moins intenses, mais il y a des plaisirs nobles et des plaisirs grossiers ; et c’est un fait que l’homme — lequel, pour Mill, ne saurait vouloir autre chose que son bonheur — recherche les plaisirs de qualité supérieure plutôt que les autres, même alors que ces plaisirs-là sont moins intenses.

Telle est la théorie de Mill. Il est impossible de ne pas trouver que la correction qu’elle prétend apporter à l’utilitarisme de Bentham est, pour le moins, formulée de la manière la plus malheureuse. Il ne saurait y avoir pour les plaisirs en tant que tels qu’une mesure, et Mill aurait dû lire là-dessus Kant, qu’il ignorait trop. « Il est étonnant, dit Kant avec raison, que des hommes d’ailleurs pénétrants croient pouvoir distinguer la faculté inférieure de la faculté supérieure de désirer en faisant