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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/235

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remarquer que les représentations qui sont liées au sentiment du plaisir ont leur origine dans les sens ou dans l’entendement. Quand on cherche les principes déterminants du plaisir et qu’on les place dans un agrément qu’on attend de quelque chose, il n’importe pas du tout de savoir d’où vient la représentation de cet objet qui procure du plaisir, mais seulement de savoir jusqu’à quel point elle est agréable »[1]. Telle est bien, d’ailleurs, la pensée profonde de Stuart Mill ; lorsqu’il parle d’un plaisir noble que nous devons préférer aux plaisirs grossiers même « plus intenses », sa thèse est qu’en fait nous préférons le plaisir noble, du moins quand nous le connaissons et quand existe en nous cette disposition qui nous met à même de le goûter ; et ainsi nous sommes en droit de soutenir que le plaisir noble en question est réellement plus intense que les autres ; car qu’est-ce qu’un plaisir plus intense, sinon un plaisir qui — lorsqu’on se met en présence de lui, et comme en lui — obtient la préférence sur les plaisirs avec lesquels il est en concurrence ?

S’il ne fallait pas interpréter ainsi la théorie de Mill, il ne resterait plus qu’à déclarer que Mill n’a pas été un utilitaire conséquent. Si le plaisir noble n’est pas plus grand que le plaisir grossier devant lequel il doit passer, c’est donc qu’il y a en dehors du plaisir des fins qui ont une valeur morale. Auquel cas, remarquons le en passant, il y aura lieu d’indiquer une commune mesure pour le plaisir et pour les autres fins morales. Et on sera tenté de croire que Mill a subi dans une

  1. Critique de la raison pratique, Ire partie, I, 1, scolie 1 du théorème 2 (v. pp. 34-36).