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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/236

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certaine mesure l’influence des doctrines non utilitaires, qu’il a vu dans sa théorie de la qualité des plaisirs un moyen de passer de la morale de l’intérêt particulier à la morale de l’intérêt général. Mais Mill nous a mis en garde contre cette interprétation de ses idées quand il a donné comme un fait d’observation que les plaisirs de qualité supérieure étaient préférés aux autres.

Il y a donc lieu de proclamer que pour l’utilitarisme les plaisirs les meilleurs sont les plaisirs les plus intenses. En même temps, toutefois, il y a lieu de noter certains points, aperçus ou point aperçus de Mill, qui expliquent ou qui justifient en un sens sa théorie, et dont il est nécessaire de tenir compte pour bien comprendre la doctrine utilitaire.

Premièrement, il faut bien voir que dans l’arithmétique des plaisirs on doit faire entrer non seulement les possibilités immédiates, mais les possibilités lointaines, non seulement les plaisirs qu’on est en état de goûter, mais ceux qu’on peut se mettre en état de goûter : le plaisir « noble », c’est, dans ce sens, le plaisir qu’on ne connaîtra qu’à la condition de faire naître et de cultiver au préalable en soi certaines dispositions ; c’est le plaisir qui n’est pas présentement, mais qui pourra devenir plus intense que tels autres plaisirs dits « grossiers ».

Deuxièmement, il convient de distinguer avec soin deux significations de cette expression : l’intensité des plaisirs ; un plaisir peut être intense parce qu’il occupe une grande place dans la conscience, qu’il accapare notre attention, et il peut être intense, encore, non plus en tant qu’état psychologique en général, mais en ce qu’il obtiendra mieux que d’autres notre adhésion ;