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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/237

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le plaisir noble est moins intense que tel plaisir grossier en ceci qu’il nous absorbe moins, il est plus intense cependant en tant que plaisir.

Enfin, quand on mesure l’intensité d’un plaisir comme tel, il faut avoir soin, contrairement à ce que l’on fait souvent, de ne négliger aucun des éléments de ce plaisir. Les plaisirs nobles sont les plaisirs intellectuels et esthétiques, les plaisirs de l’activité désintéressée et altruiste. Ces plaisirs sont complexes et riches. Épicure remarquait déjà que les plaisirs de l’esprit étaient supérieurs aux plaisirs du corps parce que l’idée du temps y était présente et que les perspectives de la durée les agrandissaient d’une certaine façon. D’autres perspectives accompagnent encore ces plaisirs, qui font naître en nous un sentiment plus ou moins obscur d’infinité : M. Fouillée l’a montré, pour que ce qui est particulièrement du plaisir esthétique, par une analyse très pénétrante et très exacte[1]. Pareille chose peut être dite des plaisirs de l’altruisme : toujours à l’amplitude des représentations qui font naître le plaisir celui-ci participe en quelque mesure. Et le plaisir noble est encore accru par cette possession plus complète de nous-mêmes que nous prenons quand nous le goûtons ; sans compter le sentiment d’orgueil qui résulte de ce que le plaisir noble est le lot seulement d’un petit nombre d’hommes.

Stuart Mill nous invite — si nous adoptons pour sa théorie la seule interprétation qui la rende acceptable — à prendre note de certains faits qui permettent de

  1. Systèmes de morale contemporains, VII, 1, pp. 323 sqq.