Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/250

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de contradictoire : elle nous invite à souhaiter que dans la lutte qu’elle soutient contre la criminalité la société ne réussisse que partiellement, et à concevoir un optimum de criminalité dont on ne voit nullement comment il sera déterminé. Et cette thèse, d’ailleurs, M. Durkheim ne réussit pas à l’établir. Ce n’est pas un argument sérieux que celui qui consiste à dire que le crime est parfois une anticipation de la morale à venir[1]. Et l’on ne doit pas s’arrêter non plus à cet autre argument que, pour que la conscience collective évolue, il faut que l’originalité individuelle puisse se faire jour[2] ; cette originalité individuelle, condition de l’évolution des idées, n’aura-t-elle pas mille manières de se manifester lorsqu’on aura fait disparaître, par des modifications dans ces institutions qui provoquent en quelque sorte les crimes, par l’éducation des individus, par l’établissement de mesures appropriées d’élimination ou de répression, le vol ou le meurtre ? Il reste bien à M. Durkheim la ressource de soutenir que la suppression de la criminalité telle que nous la définissons aujourd’hui ne représenterait, en elle-même, aucun bien pour l’humanité : et c’est ce qu’il fait en effet, invoquant comme raison que, si la moralité publique réalisait assez de progrès pour que disparussent les actes présentement regardés comme criminels, d’autres actes seraient tenus pour tels que nous voyons de nos jours avec la plus grande indulgence[3]. Mais il semble bien que M. Durkheim commette ici une confusion : le remplacement qu’il prévoit des formes actuelles de la crimina-

  1. 3, § 3, pp. 88-89.
  2. P. 88.
  3. Pp. 83-87.