Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/26

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pas fortuite et injustifiable, mais qui soit notre œuvre au sens le plus fort de l’expression, et qui soit la meilleure possible. La morale vulgaire, on le constate au premier abord, ne saurait point satisfaire ces deux besoins. Elle ne vise pas à unifier la conduite : les prescriptions qu’elle nous dicte, en effet, sont fragmentaires, elles se juxtaposent sans former un ensemble lié, un système. Ce n’est que dans les plus récentes et les plus « évoluées » de ces morales que l’on voit — je me réserve d’indiquer tout à l’heure la signification de ce fait — des formules générales apparaître où se résument un certain nombre de règles plus particulières ; et ce processus d’unification demeure très imparfait. La morale vulgaire ne vise pas davantage à assurer l’autonomie de la personne et à justifier l’idéal de conduite qu’elle nous propose. Ses préceptes nous sont extérieurs : ce sont des commandements pareils à ceux qui pourraient nous venir d’un chef, des commandements qui n’apportent pas avec eux des raisons que nous reconnaîtrions comme nôtres ; ce qu’ils nous ordonnent de faire est bon parce que cela est bon, ce qu’ils nous défendent est mauvais parce que cela est mauvais, sans qu’il y ait lieu de remonter plus loin.

Ainsi la morale vulgaire est très différente de la morale rationnelle. Mais est-il interdit de penser que cette dernière peut apparaître à côté de l’autre, et, avant de songer à la supplanter complètement — ce qui n’arrivera que d’une manière exceptionnelle, chez des hommes d’une haute culture, et doués d’une puissance de méditation particulière —, la modifier du moins, ou encore substituer à l’acceptation passive de la morale courante une adhésion volontaire ?