Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/27

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Raisonnons ici d’une manière hypothétique : demandons-nous s’il est impossible de concevoir la contamination de la moralité vulgaire par cette moralité qui a sa source dans les exigences de la raison. Pourquoi, par exemple, le besoin moral rationnel, plus ou moins fortement, plus ou moins nettement senti, ne nous conduirait-il pas à adhérer aux croyances morales venues du dehors, et tout d’abord subies, ou suivies d’une façon en quelque sorte automatique ? La raison, encore débile, tendrait à établir notre domination sur notre conduite ; mais impuissante à déterminer un idéal à elle, elle adopterait sans discussion et sans examen l’idéal déjà constitué dans la conscience collective.

La difficulté qui empêcherait de tenir un pareil processus pour possible réside dans l’opposition qui existe entre les caractères de la moralité vulgaire et la vraie nature des exigences du besoin moral rationnel. Toutefois, quand on y regarde de près, on constate qu’il y a, dans la pratique de la morale courante, de quoi satisfaire une raison qui commence à peine à s’affirmer, et qui est très éloignée d’avoir la fermeté et la clarté où elle est destinée à parvenir. La raison veut que l’on unifie la conduite ? Mais de la multiplicité fragmentaire des prescriptions que nous impose la morale courante, l’intelligence n’est pas longtemps à dégager par abstraction la notion du devoir en général ; et cette notion du devoir, dominant toute notre conduite — car les prescriptions de la morale vulgaire, négatives ou positives, sont variées et nombreuses, et l’accomplissement de ces prescriptions peut suffire à absorber l’activité des individus — permettra une cer-