Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/269

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pratiquer d’autres ; et l’on conçoit même que, partisan de la doctrine utilitaire, on cherche à répandre une doctrine différente, qu’il puisse être utile de ne pas soutenir le principe d’utilité. En effet, cette morale qui est la meilleure en soi peut ne pas être dans des conditions favorables pour se faire adopter, et surtout pour se faire obéir des hommes. Les traditions en vigueur dans une société, la tournure d’esprit des membres de cette société peuvent rendre ceux-ci inaptes jusqu’à un certain point à la compréhension de certaines vérités. Ou bien encore telle particularité d’ordre physiologique, psychologique, sociologique portera les hommes en question avec une force quasi invincible à violer constamment tel précepte qu’on voudrait les décider à respecter. Des préceptes différents, des règles moins sévères seraient acceptées, seraient obéies plus aisément ; et en définitive ces règles-ci seraient préférables aux autres.

Toutefois, si l’on s’enferme dans la morale proprement dite, il ne semble pas qu’en fait il doive jamais y avoir lieu de proposer un autre idéal que celui qui en soi est le meilleur. Quel moyen plus sûr, pour faire adopter et faire réaliser un idéal, que de le présenter à tous ? Une méthode indirecte, oblique ne donnerait sans doute aucun résultat ; attendre un moment plus heureux, c’est perdre du temps. Tout ce qu’il faudra, c’est prendre des précautions pour éviter que l’idéal que l’on veut proposer ne soit mal compris, qu’il ne puisse servir, aussi, à justifier ou qu’il n’encourage des actions mauvaises : et c’est, encore, viser à faire réaliser l’idéal en question dans la mesure seulement que les circonstances permettront.