Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/271

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que la caractéristique de la politique soit le recours qu’elle fait sans cesse, ou qu’elle se réserve de faire, à la contrainte[1]. La politique — la politique rationnelle — travaille au bien général en usant de la contrainte ; son domaine sera constitué par toutes ces matières dans lesquelles il y a lieu d’employer la contrainte pour servir les intérêts généraux des hommes. Et il pourra arriver que la politique ainsi définie se trouve en fin de compte avoir pour objet de réaliser dans la société un minimum de moralité : mais ce ne sera là — à supposer que les choses soient telles réellement — qu’une conséquence.

La politique se rattache donc étroitement à la morale. Elle est suspendue au principe suprême qui domine toute la pratique. Mais elle a en même temps des moyens d’action qui lui sont propres : et par là elle se distingue de ce que l’on entend d’ordinaire sous le nom de morale. On verra la morale et la politique poursuivre les mêmes fins, mais par des voies différentes : la morale nous invitera à abandonner aux misérables une partie de nos biens, parce que ce que nous abandonnerons ainsi sera plus utile pour ces misérables qu’il ne le serait pour nous ; la politique

  1. Cette même idée de la contrainte permet de définir la notion du droit. Dire qu’une personne possède un droit, c’est dire qu’il y a lieu d’imposer par la contrainte à telle autre personne l’accomplissement d’un certain devoir vis-à-vis de celle-là. D’où il suit — entre autres conséquences — qu’à un devoir d’un individu ne correspond pas nécessairement un droit d’un autre individu, mais qu’à un devoir de l’État correspondent nécessairement des droits des individus. Car l’État étant essentiellement une puissance de contrainte, on ne peut parler de devoirs de l’État qu’à propos de fins pour la réalisation desquelles il est utile d’employer la contrainte, à propos de fins, en d’autres termes, qui sont des droits de ceux-ci ou de ceux-là.