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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/280

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lité de constituer une morale « théorique », n’y a-t-il pas des arguments d’ordre subjectif à faire valoir contre cette possibilité ? Nietzsche a montré comment à la source des convictions des philosophes se trouvaient à l’ordinaire des préjugés, des penchants, des traits de caractère individuels[1]. Et M. Durkheim affirme que le philosophe qui spécule sur la morale ne pourra faire autre chose que d’ériger en principe universel quelque aspiration particulière de sa sensibilité[2].

Les critiques de Nietzsche sont justes. La thèse de M. Durkheim — qui est une thèse générale — n’est pas acceptable. Si on l’admettait, il faudrait renoncer à établir une morale. Notre raison cependant exige que nous en établissions une, que nous donnions un sens et un contenu à la notion du devoir : dès lors, à refuser d’étudier le problème moral par la méthode qui peut convenir pour cette étude on s’expose, on se condamne à choisir des règles arbitraires. Et pourquoi, d’ailleurs, serait-il vain de prétendre découvrir un principe moral universel, je veux dire valable pour tous les hommes ? Les défaillances que l’on constate chez les philosophes ne doivent pas nous décourager, surtout quand nous remarquons que ces fins de notre activité entre lesquelles il s’agit de choisir sont en somme en petit nombre, et que les données du problème moral ne sont pas tellement complexes que l’intelligence ne puisse les tenir toutes embrassées.

Et maintenant, la doctrine qui a été développée

  1. Voir Par delà le bien et le mal, §§ 3, 5, 6, 8, 186, 187.
  2. De la division du travail social, Préf. de la Ire éd., p. xxxix, Introd., pp. 7-8.