Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ils se soumettront à ces prescriptions d’emblée, si même ils ne vont pas au devant d’elles.

Enfin on les verra la plupart du temps ne pas accepter telles quelles les prescriptions de la morale courante, mais procéder à une élaboration de cette morale : ils feront application à des cas nouveaux des règles qui leur auront été enseignées, en sorte qu’ils étendront le réseau des obligations ; ils chercheront une justification aux prescriptions reçues, ce qui les conduira à opérer une certaine unification des préceptes moraux, et ce qui aura pour effet en même temps de les amener à rectifier sur certains points la morale de leur milieu ; bref, ils tendront à transformer la collection de formules, incohérente et d’une certaine manière arbitraire, qu’est cette morale en un système bien lié, bien assis, conforme, pour tout dire, aux exigences de la raison.

Ce travail auquel on voit que de certains individus procèdent ne peut pas manquer d’amener à la longue une évolution de la morale vulgaire elle-même. Que dans un groupe d’hommes façonnés par la tradition, dociles aux enseignements de leurs aînés, une personnalité morale véritable surgisse un jour, comment ne se produirait-il pas, du foyer qu’est cette personnalité, un rayonnement sur tout l’entourage ? et si de telles personnalités se multiplient, ne faudra-t-il pas que la morale vulgaire se modifie, qu’elle évolue vers la morale rationnelle ? Quelquefois l’influence d’un seul homme s’exerce sur des peuples entiers, s’étend à une longue suite de générations : c’est le cas des fondateurs de religions. Et certes il faut, pour que le prophète apparaisse, et pour que son influence devienne aussi