Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/75

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térialiste de l’éternité »[1] : l’idée d’une « vérité » éternelle est un fantôme qu’il faut exorciser, tout comme la conception « substantialiste, panthéistique » d’une vérité une[2]. Mais est-ce bien un fantôme que l’idée d’une vérité une ? La notion, d’un principe pratique unique auquel serait subordonnée toute la conduite ne correspond-il pas plutôt, ainsi que j’ai essayé de l’établir, à un besoin essentiel de la raison ? Et ce principe unique — je ne parle pas des « vérités » pratiques dérivées — ne sera-t-il pas éternel ?

M. Rauh avoue en définitive qu’il y a, dans le processus de la dissolution des croyances morales, quelque chose de nécessaire ; et il cherche à se tirer d’affaire en disant que cette dissolution des croyances morales révèle « une disposition plutôt morbide de la pensée ». « Si l’on songe au passé, aux causes, aux circonstances d’une croyance, il y a chance pour que son feu s’amortisse ». Mais il ne faut pas conclure de là « que seule est solide une croyance fondée sur un principe simple, indécomposable, éternel » ; il faut conclure « qu’il y a un temps pour l’analyse, un temps pour la vie : car c’est une loi psychologique bien connue qu’on fait malaisément deux choses à la fois. De ce qu’on risque de faire mal de la physique, si on fait en même temps de la peinture, le physicien ne conclut pas qu’il faut trouver à la physique un fondement éternel. Il distribue mieux son temps »[3].

Cette argumentation de M. Rauh ne supprime pas la difficulté que je signalais. La disposition à cesser de

  1. Pp. 225-226 (chap. 9).
  2. Voir p. 224.
  3. Pp. 226-227.