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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/76

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croire quand on connaît les origines, le passé de sa croyance, n’est nullement une disposition « morbide » ; c’est une disposition on ne peut plus normale. M. Rauh veut qu’il y ait dans la vie deux sortes de moments : les uns où l’on agit, et où les croyances morales ont toute leur force, les autres où l’on réfléchit, où l’on analyse, et où ces mêmes croyances se dissolvent. Il n’est pas impossible que jusqu’à un certain point cette dualité existe ; elle existe même : c’est un fait d’observation ; mais elle ne saurait subsister indéfiniment, et elle ne saurait être parfaitement tranchée. On peut très bien étudier la physique sans peindre, et peindre sans étudier la physique ; mais comment les résultats de la réflexion n’influeraient-ils pas sur notre manière d’agir ?

Peut-être, toutefois, M. Rauh a-t-il accordé trop vite que la science affaiblit et tend à détruire les croyances morales. Ne pourrait-on pas soutenir, en effet, que les croyances morales sont des sentiments, et se comportent, pour ce qui est du point qui nous occupe, comme les autres sentiments ? Un père aime ses enfants ; quand il aura appris que l’amour paternel n’existait pas dans les temps primitifs de l’humanité, quand il saura comment ce sentiment est apparu parmi les hommes, l’en éprouvera-t-il moins ? De même, quand nous aurons appris que les unions entre parents n’ont pas toujours été prohibées, quand nous connaîtrons les causes pour lesquelles l’inceste est devenu un acte infâme, nous n’éprouverons pas moins d’éloignement pour lui.

Une telle assimilation du sentiment moral aux autres sentiments ne serait pas fondée : elle méconnaîtrait ce qu’il y a dans la croyance morale de spécifique. Con-