Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/77

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sidérons l’exemple qui vient d’être donné, analysons ce que nous éprouvons quand nous pensons à l’inceste ; nous trouvons, dans la réaction que cette idée provoque en nous, deux éléments distincts, qu’il importe de séparer. D’une part l’inceste nous inspire un sentiment — au sens propre du mot — de répulsion, voire d’horreur. D’autre part nous avons cette conviction que l’inceste est un acte mauvais, que nous devons nous en abstenir. De ces deux éléments, le sentiment proprement dit et la conviction morale, l’un vraisemblablement a donné naissance à l’autre. M. Durkheim veut que l’idée de l’obligation se soit attachée aux sentiments forts et définis des hommes vivant en société. Peut-être cette théorie n’est-elle pas vraie pour tous les cas ; peut-être le sentiment de répulsion qu’on éprouve pour certains actes est-il né souvent du fait que pendant de longues générations ces actes avaient été proscrits, blâmés et punis pour une raison ou pour une autre, parce qu’on s’était imaginé qu’ils déplaisaient à la divinité, ou parce qu’on avait constaté qu’ils compromettaient l’existence de la société. Toutefois ce point importe peu. Ce qu’il faut noter, c’est que les deux éléments sont à l’ordinaire étroitement amalgamés ; mais il faut noter en même temps qu’il n’en est pas toujours ainsi, et que les variations de l’un ne correspondent pas exactement aux variations de l’autre. Tout le monde a observé que parfois, la conviction restant entière qu’un acte est mauvais, le sentiment qui nous éloigne de cet acte manque tout à fait. Il arrive aussi, à l’inverse, que la conviction ne soit pas accompagnée du sentiment, ou que celui-ci, la conviction restant entière, soit affaibli au point de ne presque plus agir :