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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/94

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sentiment moral a de la réalité, de l’efficacité, avant même de nous avoir poussés à une action plutôt qu’à une autre, que le devoir existe avant d’avoir été spécifié.

J’arrive au troisième des caractères propres du devoir, qui est de beaucoup le plus important : c’est à savoir la souveraineté du devoir. Les sentiments ordinaires sont plus ou moins forts, et c’est tout ce que l’on peut en dire ; ils se combattent les uns les autres ; dans un moment donné l’un d’eux l’emportera sur ceux avec lesquels il était en concurrence, empêchant qu’il ne leur soit donné satisfaction ; ceux-là alors, s’ils sont durables, ne pourront qu’attendre leur revanche. Le sentiment moral, lui, entre en lutte avec les autres sentiments ; mais même lorsqu’il est vaincu il conserve sur eux une certaine supériorité : d’une certaine façon, tous les sentiments lui sont subordonnés. C’est que la raison, de qui le sentiment moral procède, a pour fonction de critiquer, de juger toutes nos actions ; nous devons lui rendre compte de toutes nos actions, ce pendant qu’elle, elle ne devra de compte à personne : car il faudrait qu’elle se critiquât elle-même, ce qui est absurde.

Ceci nous permet de compléter, de rectifier si l’on veut, ce qui a été dit plus haut du caractère hypothétique de l’impératif moral. En affirmant ce caractère hypothétique, je voulais m’élever contre la conception qui voit dans l’idée du devoir autre chose que la traduction d’un besoin purement naturel de notre être, qui attribue au devoir une sorte de vertu transcendante. Mais s’il est vrai que le devoir ne fait qu’exprimer un besoin de l’esprit, il reste que ce besoin nous pousse