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IV

RHUM

Le rhum est le produit de la fermentation et de la distillation de la melasse et de l’écume de sirop de canne. C’est à la présence d’une huile volatile particulière que sont dues et sa saveur et son odeur.

Le rhum, comme l’eau de vie, a originairement une couleur blanche, mais son séjour prolongé dans les barriques de chêne lui fait acquérir, en vieillissant, la coloration jaune brunâtre, qu’il a ordinairement, et qui est due à la dissolution d’une partie du tannin et de l’extractif, contenus dans le chêne.

Le rhum est donc blanc et diaphane, mais pour lui donner la couleur jaune ambrée qu’on lui connaît dans le commerce, et afin de lui communiquer le goût particulier que les consommateurs exigent, on fait infuser dans une partie de la liqueur, en proportions qui varient à l’infini, suivant les fabriques, des pruneaux, des clous de girofle, du goudron, et surtout des râpures de cuir tanné : la coloration est complétée par une addition de caramel (sucre brûlé). Eh voilà la liqueur que vous buvez !

Les falsifications du rhum ont une grande analogie avec celles du gin. Entre autres substances ordinairement employées pour sophistiquer le rhum, il y a l’eau qui a l’avantage de ne pas coûter cher, mais qui, ajoutée au rhum en diminue considérablement la force. Pour rendre à la liqueur ainsi falsifiée cette force qu’on vient de lui enlever, on emploie d’autres substances telles que la cayenne ou le cocculus indicus. Mais ce n’est pas tout ; par l’addition de l’eau, le rhum perd un peu de sa couleur et de sa saveur sucrée. Ajoutez alors du sucre brûlé et du sucre non brûlé et vous vous trouvez à la fin en présence d’un vrai fricot possédant, bien attendu, les caractères physiques du rhum à l’état de pureté. Vendez maintenant, vendez bon prix ; n’oubliez pas de faire payer l’eau que vous avez ajoutée à votre liqueur ; c’est un excellent moyen de faire le plus de profit, tout en encourant le moins de dépenses possibles.

Encore une fois, je n’accuse personne ici en particulier et je suis loin de prétendre que les boissons soient falsifiées par ceux qui les livrent directement au public. Il est facile de comprendre que l’analyse chimique ne peut pas me découvrir les auteurs de ces falsifications ; tout ce qu’elle peut faire, c’est de constater un fait, et ce fait est constaté ; voilà pourquoi je dis que