Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/133

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la note 40). Du moment où l’on cherchait à s’expliquer comment se réalise la finalité, il ne pouvait plus être question de cet anthropomorphisme si naïf qui fait travailler le Créateur avec des mains humaines. Une conception rationaliste du monde, qui voyait généralement dans les idées religieuses du peuple une expression figurée de relations suprasensibles, ne pouvait naturellement pas faire d’exception en faveur de la téléologie ; et comme Aristote, suivant son habitude, voulait ici, de même que partout ailleurs, arriver à une clarté parfaite, il dut être nécessairement amené, par la téléologie même et par l’observation du monde organique, à un panthéisme qui fait pénétrer partout dans la matière la pensée divine et en montre la réalisation permanente dans la croissance et le développement des êtres. Ce système, avec une légère modification, aurait pu devenir un naturalisme complet ; mais il se heurte chez Aristote contre une conception transcendante de Dieu qui, en théorie, repose sur ce principe véritablement aristotélique, qu’en dernière analyse tout mouvement doit provenir d’un être immobile (53).

Aristote eut des velléités empiriques, comme le prouvent quelques assertions isolées, surtout celles qui exigent le respect pour les faits. Ces velléités se retrouvent dans sa doctrine de la substance (οὐσία) mais cette doctrine est entachée d’une incurable contradiction. Aristote (et, sur ce point, il est en complet désaccord avec Platon) appelle les êtres et objets individuels substances, dans le premier et véritable sens de ce mot. Dans ces substances, la partie essentielle est la forme combinée avec la matière ; le tout constitue un être concret et complètement réel ; bien plus, Aristote parle souvent comme s’il n’admettait l’existence complète que de la chose concrète. Tel est le point de vue auquel se placèrent les nominalistes du moyen âge ; mais ils ne pouvaient nullement s’étayer de l’opinion d’Aristote : car ce philosophe vient tout gâter en admettant une deuxième classe de substances dans les idées d’espèce d’abord, et ensuite dans les idées géné-