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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/134

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rales. Non-seulement le pommier qui s’élève devant ma fenêtre est un être, mais l’idée spécifique de pommier désigne encore un être. Toutefois l’essence générale du pommier ne résiderait pas dans le monde nébuleux des idées d’où elle projetterait ses rayons dans le monde des phénomènes, mais l’essence générale du pommier a son existence dans chaque pommier.

Ici tant qu’on s’en tient aux organismes et qu’on se borne à comparer l’espèce et les individus, on rencontre une lueur séductrice qui a égaré plus d’un philosophe moderne. Essayons de tracer avec netteté la ligne de démarcation entre la vérité et l’erreur.

Plaçons-nous d’abord au point de vue nominaliste qui est parfaitement clair. Il n’existe que des pommiers, des lions, des hannetons, etc., pris individuellement ; il existe en outre des noms, à l’aide desquels nous embrassons la totalité des objets existants, qui doivent constituer une même classe, en vertu de leur analogie ou de leur homogénéité. Le « général » n’est pas autre chose que le nom. Mais il n’est pas difficile de découvrir dans cette théorie quelque chose de superficiel et de montrer qu’il ne s’agit point ici de ressemblances accidentelles, arbitrairement réunies par le sujet, mais que la nature des objets eux-mêmes nous présente des groupes bien tranchés qui, par leur homogénéité réelle, nous forcent de les réunir en classes distinctes. Les individus lions ou hannetons les plus différents de leurs pareils sont infiniment plus rapprochés les uns des autres dans leur espèce que le lion ne l’est du tigre, ou le hanneton du lucane. Cette remarque est incontestablement exacte. Cependant nous n’avons pas besoin d’une longue réflexion pour trouver que le lien réel, que nous admettons sans contestation et pour abréger le discours, est en tout cas quelque chose de bien différent du type général de l’espèce, que nous associons dans notre imagination au mot pommier.

On pourrait maintenant poursuivre davantage la question