Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/176

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lement en rapport avec le caractère romain ; la seconde, plus conforme à l’esprit de ce temps-là et des périodes qui suivirent ; mais toutes deux, et cela peint le génie romain, à tendances pratiques et à forme dogmatique.

Ces deux écoles qui, malgré leurs divergences tranchées, avaient tant de points communs, se traitèrent avec plus de bienveillance mutuelle si Rome que dans leur patrie. Il est vrai que les calomnies outrées, répandues systématiquement depuis Chrysippe par les stoïciens contre les épicuriens, se propagèrent aussi à Rome. On y regarda bientôt tout épicurien rien comme un esclave de ses passions ; et l’on redoubla de frivolité pour juger la philosophie de la nature adoptée par les épicuriens, philosophie que ne protégeait aucun étalage de mots inintelligibles. Cicéron lui-même eut le tort de populariser l’épicuréisme dans la mauvaise acception du mot, et de lui donner une teinte de ridicule qu’une étude attentive fait disparaître. Toutefois la plupart des Romains faisaient de la philosophie en dilettanti, c’est pourquoi ils ne s’attachaient pas à une école assez exclusivement pour ne pas être à même d’apprécier les systèmes opposés ; la sécurité de leur position sociale, l’universalité de leurs relations politiques rendaient les grands de Rome exempts de tout préjugé. Aussi trouve-t-on, même chez Sénèque, des propositions qui donnèrent lieu à Gassendi de ranger ce philosophe parmi les épicuriens. Brutus, le stoïcien, et Cassius, l’épicurien, trempèrent également leurs mains dans le sang de César. Mais si cette même conception populaire et facile de la doctrine épicurienne, qui nous la fait paraître chez Cicéron, sous des couleurs défavorables, permet de réconcilier l’épicurisme avec les autres écoles même les plus diverses ; elle efface, en l’altérant, le caractère de la plupart des épicuriens romains et donne ainsi un point d’appui aux attaques du vulgaire. Au temps où les Romains n’avaient encore qu’une teinture superficielle de la civilisation hellénique, ils échangeaient déjà la rudesse de leurs mœurs primitives con-