Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/175

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n’étaient pas celles de la paix, de l’industrie entreprenante, de la justice, mais bien le courage, la persévérance, la sobriété. Les vices des Romains n’étaient dans l’origine ni le luxe, ni le désir des jouissances, mais la dureté, la cruauté et la perfidie. Le talent d’organisation uni au caractère guerrier avait fait la grandeur de la nation, grandeur dont elle avait conscience et dont elle était fière. Dès leur premier contact avec les Grecs, se manifesta leur antipathie contre le peuple hellénique, antipathie qui résultait de la dissemblance du caractère des deux nations et devait durer pendant des siècles. L’art et la littérature de la Grèce ne commencèrent à pénétrer peu à peu dans Rome qu’après la défaite d’Annibal ; mais en même temps aussi s’introduisirent le luxe, la mollesse, le fanatisme et l’immoralité des nations asiatiques et africaines. Les nations vaincues accoururent dans leur nouvelle capitale et y introduisirent à leur suite les mœurs diverses des peuples de l’antiquité, tandis que les grands prirent de plus en plus goût à la culture intellectuelle et aux plaisirs raffinés de l’existence. Généraux et proconsuls s’emparèrent des chefs-d’œuvre de l’art hellénique ; des écoles de philosophes et d’orateurs grecs s’ouvrirent à Rome et y furent fermées par ordre il plusieurs reprises. On craignait l’élément dissolvant de la culture hellénique dont le succès fut d’autant plus éclatant qu’on avait plus longtemps résiste à ses charmes. Le vieux Caton lui-même apprit le grec, et après qu’on eut étudié la langue et la littérature de la Grèce, l’influence de sa philosophie ne pouvait tarder à se faire sentir.

Dans les derniers temps de la république, le procès était complètement gagné : tout Romain, bien élevé, comprenait le grec ; les jeunes patriciens allaient faire leurs études en Grèce, et les meilleurs esprits s’efforçaient de façonner la littérature nationale sur le modèle de la littérature hellénique.

Deux écoles de la philosophie grecque captivèrent surtout l’attention des Romains, celles des stoïciens et des épieu riens ; la première, avec son rude orgueil de la vertu, était essentiel-