Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/197

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dont le corps recouvre neuf arpents et qui est éternellement dévoré par des vautours, chacun de nous est un Tityos quand il est en proie aux souffrances de l’amour ou d’une passion quelconque. L’ambitieux, convoitant les hautes dignités de l’État, roule, comme Sisyphe, un énorme rocher qui, poussé au sommet de la montagne, retombe ensuite dans la plaine. Le féroce Cerbère et tous les épouvantails du Tartare représentent les châtiments qui attendent le criminel ; car, lors même qu’il échappe à la prison et à un supplice ignominieux, sa conscience doit continuellement l’inquiéter, en lui montrant la justice vengeresse entourée de son effrayant attirail.

Les héros et les rois, les grands poètes et les philosophes sont morts ; et des hommes, dont la vie a une importance bien moins grande, se débattent contre la nécessité de la mort. Et cependant ils ne passent leur vie que dans des rêves inquiétants, dans de vaines préoccupations ; ils cherchent le mal partout et ne savent pas au fond ce qui leur manque. S’ils le savaient, ils négligeraient tout le reste pour se livrer exclusivement à l’étude de la nature, puisqu’il s’agit d’un état dans lequel l’homme, après avoir terminé son existence actuelle, persistera durant l’éternité.

Le quatrième livre traite spécialement de l’anthropologie. Nous serions entraînés trop loin, si nous voulions citer les nombreuses et souvent surprenantes observations sur lesquelles le poëte fonde ses doctrines. Ces doctrines sont celles d’Épicure ; et, comme nous ne nous préoccupons pas des origines des hypothèses physiologiques, mais du développement des conceptions fondamentales, nous nous bornerons au peu que nous avons dit plus haut sur la théorie épicurienne des sensations.

Ce livre se termine par une analyse détaillée de l’amour et des relations sexuelles. Ni les préventions qu’inspire d’ordinaire le système d’Épicure ni la brillante invocation à Vénus, par laquelle débute le poème, ne nous ont préparés au ton grave et sévère avec lequel Lucrèce traite ce nouveau sujet.