Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/200

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cette méthode aussi profonde que prudente, on peut très-bien faire sortir de l’hypothèse la plus vraisemblable l’explication d’un cas déterminé ; et nous avons, en effet, maintes preuve que l’hypothèse la plus plausible a souvent été ainsi préférée.

Parmi les parties les plus importantes de l’ouvrage de Lucrèce on peut compter les passages du cinquième livre qui exposent le développement lent, mais continu, du genre humain. Zeller, qui généralement ne rend pas complète justice à Épicure, dit avec raison que, sur ces questions, le philosophe grec a émis des opinions très-sensées.

L’homme des temps primitifs était, suivant Lucrèce, beaucoup plus fortement constitué qu’il ne l’est de nos jours ; il avait une puissante ossature et de solides tendons. Endurci contre le froid et la chaleur, il vivait, à la façon des animaux, dans une complète ignorance des arts de l’agriculture. La terre féconde lui offrait spontanément la nourriture ; les sources et les rivières étanchaient sa soif. Les premiers hommes habitaient des forêts et des cavernes, et n’avaient ni institutions, ni lois. Ils ne connaissaient ni l’usage du feu, ni celui des vêtements de peaux de bêtes. Ils sortaient presque toujours vainqueurs de leur lutte avec les animaux, et ne fuyaient que devant un petit nombre de bêtes. Peu à peu ils apprirent a construire des cabanes, à cultiver les champs et à utiliser le feu ; les liens de la vie de famille se formèrent, et le genre humain commença à s’adoucir. L’amitié naquit entre les voisins ; la rudesse diminua à l’égard des femmes et des enfants ; et, si la concorde n’était pas encore universelle, du moins la paix régnait entre la plupart des hommes.

La nature poussa l’homme à produire les sons variés du langage, et le besoin créa les noms des objets et peu près comme il entraîne les enfants, lors de leur premier développement, à l’emploi de certains sons, et les porte a montrer du doigt ce qui est devant eux. De même que le chevreau