Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/213

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mais elle disparaît ou plutôt elle a déjà disparu quand se produisent les excès abominables que nous nous abstiendrons de décrire.

Mentionnons cependant un fait incontestable : dans les siècles qui furent souillés par les monstruosités d’un Néron, d’un Caligula et d’un Héliogabale, la philosophie la plus négligée, la plus antipathique à l’esprit du temps, fut précisément celle qui, entre toutes, exigeait le plus grand sang-froid, la contemplation la plus calme, les recherches les plus sensées, les plus pures, les moins poétiques : la philosophie de Démocrite et d’Épicure (4).

L’époque de Périclès vit fleurir la philosophie matérialiste et sensualiste de l’antiquité, dont les fruits mûrirent dans l’école d’Alexandrie, durant les deux siècles qui précédèrent l’ère chrétienne.

Mais lorsque, sous les empereurs, le masses furent en proie au double vertige des vices et des mystères, la sagesse ne trouva plus de disciple sensé, et la philosophie mourut de mort naturelle. On sait qu’à cette époque prédominaient des systèmes néoplatoniciens et néopythagoriciens, où se mêlaient à maints généreux éléments du passé le fanatisme et le mysticisme de l’Orient. Plotin rougissait d’avoir un corps, et ne voulut jamais dire à quels parents il avait dû le jour. Le mouvement antimatérialiste atteint ici son apogée dans la philosophie ; mais cette opposition était toute-puissante en particulier sur le terrain de la religion auquel elle appartenait réellement. Depuis les termes les plus pures jusqu’aux formes les plus hideuses, on ne vit jamais une plus grande diversité de religions que dans les trois premiers siècles, qui suivirent la naissance du Christ. Il ne faut donc pas s’étonner si les philosophes de ces temps-là se posèrent en prêtres et en apôtres. Les stoïciens, dont la doctrine avait dès le principe une teinte théologique, entrèrent les premiers dans cette voie et conservèrent leur prestige plus longtemps que les autres écoles ; mais ils finirent par être dépassés et refoulés, et les