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Page:Lange - Histoire du matérialisme, Pommerol, 1877, tome 1.djvu/226

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cette secte proviennent de ses ennemis les plus acharnés. Il est intrinsèquement très-invraisemblable que ce soit précisément la plus inoffensive de toutes les conceptions du monde qui ait provoqué cette énergie formidable, cette tension extrême de toutes les forces de l’âme, que nous voyons d’ordinaire unie seulement des convictions religieuses. Les convictions religieuses, dans leur terrible sublimité et avec leur charme entraînant, peuvent seules obtenir même pour les plus horribles atrocités du fanatisme, l’indulgence de l’historien qui sait s’élever au faîte de la contemplation ; et cette indulgence a de profondes racines dans le cœur humain. Nous n’oserions pas fonder, en dépit de la tradition, sur de simples arguments intrinsèques, notre conjecture que des idées religieuses devaient animer les chefs des Assassins, si les sources des renseignements sur cette secte ne permettaient d’émettre une pareille hypothèse (23). La liberté de la pensée, portée ai un haut degré, peut s’allier au fanatisme des convictions religieuses : c’est ce que nous prouve l’ordre des jésuites, qui présente une si grande analogie avec la secte des Assassins.

Si nous revenons aux sciences physiques et naturelles des Arabes, nous ne pouvons nous empêcher de répéter l’assertion hardie de Humboldt, que ce peuple doit être considéré comme le véritable créateur des sciences de la nature (Naturwissenschaft) « dans toute l’acception actuelle de ce mot ». Expérimenter et mesurer furent les deux grands instruments par lesquels ils nourrirent la voie aux progrès futurs, et s’élevèrent au degré qui tient le milieu entre les résultats de la courte période inductive de la Grèce et ceux réalisés par les modernes dans les sciences physiques et naturelles.

C’est précisément dans le mahométisme que se montre, de la manière la plus tranchée, ce développement de l’étude de la nature que nous attribuons au principe monothéiste. Il en faut chercher la raison dans les qualités intellectuelles des Arabes, dans leurs rapports historiques et géographiques